Ananya et le sac à main de l'institutrice
Traduit de l'anglais par Divyesh Nagarajan, Victoria, Canada
avec l'assistance des moines du monastère hindou de Kauaï, Hawaii
La cloche de l’école sonnait fort, indiquant à Ananya qu’il était temps de faire ses valises et rentrer chez elle. Partout les filles se préparaient à partir et riaient joyeusement. Cependant, elle ne pouvait pas remuer les jambes comme si elles étaient clouées au sol. Doucement, elle mit la main dans sa poche y sentit le billet de 100 dollars. Il était bien là, mais pour elle, c’était une bombe à retardement. Elle n'avait pas eu l'intention de voler l'argent et n’était allée dans la salle des professeurs que pour demander permission d’emprunter le cahier de maths de Ramya. Mais personne n’était là. Le sac à main de Mme Guhan était ouvert sur la table, et Ananya y vit le billet de 100 dollars. Sans même y penser, elle s'en empara et quitta précipitamment le lieu. Elle courut comme une folle et ne s'arrêta qu’une fois arrivée à une salle de classe à l'autre bout de l'école.
Haletante et à bout de souffle, elle regarda le billet et, maintenant, tandis que la cloche sonnait toujours, elle se demanda si elle devait dépenser l'argent avec ses amies ou le garder pour les vacances de Diwali. Alors qu'elle réfléchissait, elle sentit une légère tape sur son épaule. Elle vit Mme Ganesan qui la fixait des yeux, et fut saisi d’un terrible sentiment de choc et de crainte. Mme Ganesan lui fit signe de l'accompagner. Alors qu'elle suivait la prof, Ananya avait l'impression d'être détachée de son corps. Elle voulait courir chez elle et se cacher dans sa chambre. Lorsqu'ils s'approchèrent du bureau du directeur, elle ressentit une étrange douleur à la poitrine et dû réprimer les larmes.
Le directeur, M Rao, n’y alla par quatre chemins. Il n’avait pas l’habitude de tourner autour du pot. Il voulait savoir, « Ananya, as-tu pris de l’argent du sac à main de Mme Guhan aujourd’hui ? »
Regardant ses chaussures, Ananya murmura : « Non, monsieur. Je n’ai pas fait ça. »
Pendant quelques secondes, le silence était absolu, puis devint vite assourdissant pour Ananya. Elle craignait d’être prise au piège. Elle leva les yeux et vit que Mme Shah s’était jointe au groupe. Les trois profs se regardaient les uns les autres. Ananya s'était toujours bien comportée à l’école. Enfin, Mme Shah dit : « Ananya, je t’ai vu prendre l’argent. J’étais derrière le placard, et tu ne m’as pas vue. Avoue et rends l’argent. »
Sans rien dire, elle fouilla dans sa poche et sortit le billet. Les larmes brouillaient sa vue. Elle savait ce que les profs devaient penser d’elle. Elle avait non seulement volé de l’argent ; elle avait menti. Elle n’osait pas lever les yeux, crainte de voir leurs visages contrariés.
Après un moment, M Rao fit : « Ananya, je pense que serait bon pour toi d’informer tes parents à propos de ton comportement. S’ils viennent ici, ce sera gênant pour toi. Mais, parce que c’est la première fois que tu te conduis mal, j’aimerais que tu leur avoue chez toi. Ensuite, nous discuterons de ta punition. »
Ce soir-là, Ananya dînait avec ses parents. Elle voyait le monde entier s’effondrer autour d’elle. Oh, pourquoi avait-elle été si stupide ? Pourquoi donc avait-elle regardé dans le sac de Mme Guhan et ensuite volé son argent ?
Quand le dîner fut presque terminé, elle dit, « Appa, quelque chose de terrible est arrivé à l’école aujourd’hui. » Puis elle raconta l’incident. Dehors, un hibou solitaire laissa sortir un hululement, et au loin, un chien aboya fortement. Elle connaissait bien tous ces bruits, mais ce soir, ils étaient étranges, durs, effrayants. Elle venait de briser la confiance que ses parents avaient eu en elle.
Mais elle fut énormément soulagée d’entendre son Appa reconnaître combien cela dû être difficile d’avouer une telle chose et la féliciter d’être si honnête. Ananya expliqua qu’elle avait bien appris sa leçon. Son Appa et Amma la consolѐrent en la serrant dans leurs bras et la réassurant que malgré sa grosse bêtise, ils l’aimaient toujours.
Elle vécu les jours suivants tout à fait troublée. Ses parents la privèrent de sortir pendant tout un mois et, à l'école, elle fut mise en retenue tous les jours pendant deux semaines. Mais ce n’était pas le pire. Les nouvelles du vol s’étaient propagées comme un feu de forêt. Partout elle entendait ses camarades murmurer à son propos, « la voilà, la fille qui a volé l’argent » . Sans arrêt, les mêmes paroles et les mêmes regards de mépris. Ses profs maintenant se méfiaient d’elle. Bien qu’elle ait écrit une note d’excuses et l’ait donné à Mme Guhan, on ne la pardonnait toujours pas et elle se sentait toujours très troublée.
Le soir, dans l’intimité de sa chambre, elle pleurait et priait, « Siva, tout le monde me déteste et je les comprends. Moi aussi, je me déteste. S'il te plaît aide moi. S’il te plaît fais que mes parents, profs et amis me fassent confiance et m’aiment à nouveau. »
Un soir, comme elle pleurait amèrement avant de se coucher, elle entendit la porte s’ouvrir et vit l’ombre de sa mère. « Ananya, tu pleures ? » elle demanda doucement.
Ananya jeta ses bras autour d’elle, continuant à pleurer et à sangloter et trembler contre l’épaule maternel. Puis, les larmes se ralentirent enfin et elle resta tranquillement dans les bras de sa mère.
« C’est bon, mon enfant. C’est fini. »
« Je ne ferai plus jamais ça, Amma, mais non, ce n’est pas fini. J’ai mal agi, et maintenant personne ne me respecte; on ne m’aime plus. Oh, que vais-je faire ? » demanda-t-elle.
« Ananya, ma chère, » répondit maman, « nous t’avons pardonnée et l’école t’a punie. Mais le vol est un délit public et si tu veux qu’on change d’avis à ton sujet, tu dois faire pénitence en public. Je te conseille de rendre service au temple, quelque chose que tu ne ferais pas ordinairement, passer la serpillière, par exemple. Tu effaceras le mauvais karma que tu t’es créé quand tu as volé. »
Ananya regarda sa mère avec empressement et dit: «je suis prête à tout faire, n’importe quoi pour revenir à ma vie d’avant !
Le samedi suivant, Ananya alla au Temple de Siva près de chez elle. Debout devant l’autel, elle promit : « Siva, j’espère que tu me pardonneras mon erreur. A partir d’aujourd'hui je viendrai au temple tous chaque samedi pendant un mois, et nettoierais le sol. »
Immédiatement, Ananya senti un tout nouveau sentiment de tranquillité descendre sur elle, et ce soir-là, pour la première fois depuis une semaine, elle dormi bien.
Au fil des jours, ses camarades se mirent à oublier ce qu’Ananya avait fait, mais aucune d'entre elle ne se sentait encore prête à l’accueillir. Elle déjeunait toute seule et fut la seule à ne pas être invitée aux fêtes d’anniversaire.
Un samedi, elle était au temple nettoyant le sol, quand une ombre tomba sur elle. Elle leva les yeux et vit Anjali et sa mère. Anjali fut l’une des meilleures étudiantes de l’école, et généralement bien vue de tout le monde. La mère d’Anjali regarda Ananya avec surprise et dit : « Ma chère, vous êtes une jeune fille et faites un travail tellement dur et malpropre ! »
Un des pujaris qui vit ce qui se passait prit Anjali et sa mère à part. Lui aussi, il était au courant de l’histoire du vol et expliqua : « Elle vient ici le samedi et passe plus de quatre heures à nettoyer le temple. Elle fait pénitence pour avoir volé l’argent! Je n’ai jamais vu quelqu'un aussi jeune faire une telle chose. »
Le visage d’Ananya ruisselait de transpiration et son salwar kameez usé était trempé d’eau et de savon. Elle continua à faire son travail sans regarder Anjali et sa mère. Le jour suivant, comme elle déjeunait en regardant des corbeaux, Anjali approcha et lui dit: «Puis-je te joindre pour déjeuner?» Ananya baissa la tête et dit: «Pourquoi veux-tu déjeuner avec une voleuse ? »
« Ce n’est pas avec une voleuse que je veux m’assoir, mais avec une fille qui a compris son erreur et qui n'hésite pas se punir pour compenser. Peu d'entre nous sont si courageux. Tu as non seulement compris l’erreur, mais tu as également fait une sérieuse pénitence. Je suis désolée de t’avoir mal jugée. »
Ananya répondit doucement : « Ne sois pas désolée pour moi. J'ai fais une erreur et j’en subi les conséquences. »
« Mais non, mais non! Je ne suis pas désolée à ton sujet. Je veux être ton amie comme avant. » Un mois après la fin de sa pénitence, Ananya était assise sur les genoux de son père qui la serrait dans ses bras. Il lui dit : « Ma chère fille, ce mois était bien difficile pour toi, n'est-ce pas ? »
«Non, papa. Ça a été un très bon mois pour moi. J'ai compris la valeur d'être respectée et d’avoir la confiance de mes amis, mes parents et mes profs. Je ne ferai plus jamais une chose aussi stupide que de voler! Cela a été une très bonne leçon pour moi, papa. » En disant cela, elle continua à le serrer très fort dans ses bras.